Les gardes-manger et la boucherie

Durant quelques longues secondes, elle reste silencieuse et pensive. Quoique urant une seconde, son regard sombre étincelle. Elle semble furieuse. A-t-il, donné une bonne réponse ? A-t-il donné une mauvaise réponse ? Aucun des deux. Puis elle sourit et glousse.

- Tu sais, tu viens de décrire exactement ce que les gens pense de nous, les sorcières des marais. Il disent qu'on mange les enfants perdus tout cru. On fait du mal aux gens si nous avons trop faim, dit-elle d,un ton un peu blasé, puis elle hoche la tête, comme si c'était une évidence. On détruit des populations, pour leur voler leur magie. Tu te souviens, non ?

C'était justement pour ce dernier point qu'elles étaient ici, Muelle et elle.

- Ce qui te dérange, ce n'est pas de manger de la chair crue. C'est de faire mal aux autres et de détruire. Mange de la chair crue ne te rendra pas plus mauvais que tu ne l'es maintenant. Tu as le choix, Halewyn, dit-elle avec une fermeté peut-être abusive, mais elle se reprend, plus doucement. Tu as toujours le choix. Elle hausse les épaules. Et puis, t'es un chasseur, t'auras l'occasion de chasser encore plus pour te rassasier avant de rapporter le résultat. Faudra juste que tu chasses aussi pour toi tout seul en plus. Un peu d,organisation et ça ira, dit-elle en balayant l'air de sa main.

- Je ne suis pas vexée, se défend elle avec peut-être un peu trop de rapidité.

Elle ment, mais Xoramen ment presque toujours. Ou du moins elle n'est pas toujours tout à fait sincère. Non, elle dit parfois la vérité. Quand c'est bien. Et elle ment quand elle considère que c'est bien aussi. Et elle se fiche toujours autant que les Redinem sachent reconnaître le vrai du faux.

- Tout le monde se sent à côté de la plaque un jour ou l'autre, Halewyn.

Sur les bateaux ? Oui.

- Peut-être que ça t'aurait épargné les désagréments des dernières semaines.

Oui, s'il n'avait pas été là... elle ne sait pas. Quelle autre alternative y aurait-il eu ? Il avait choisit de tenter de les retrouver et il avait réussit. C'était un choix parfaitement stupide. Mais il l'avait fait.

Est-ce vrai qu'elle mange cru ? Elle sourit, énigmatique.

- Si je réponds, on dira que je suis un monstre, dit-elle, visiblement amusée. Je préfère le terme sorcière à monstre. Et elle sourit, elle le nargue un peu. Elle glousse avant de lui offrir une précision. Tu savais que d'allumer un feu dans les marécage est un risque à prendre ? Parfois, l'eau s'embrase.

C'était une réponse, du moins on pouvait la déduire. Ou peut-être pas.

Elle sourit et balaie l'air de sa main.

- Non merci, je n'ai pas faim, dit-elle, candide.

Si elle perçoit le regard d'Halewyn, elle ne laisse rien paraître. Elle se contente de sourire et ce même sourire s'élargit lorsque Halewyn prétend avoir reçu sa première leçon.

- Je dirais plutôt une prise de conscience qu'une leçon, suggère-t-elle. Les leçon, si tu y tiens toujours, viendront lorsque je serai rétablie. Je me sens encore si chancelante, avoue-t-elle en esquissant une moue contrariée.

Sa moue contrariée s'efface et elle sourit à nouveau. Lui, bourrin ? Elle glousse avant d'approuver.

- Et ça n'a rien à voir avec la magie, assure-t-elle. Tu es bourrin de nature, se moque-t-elle, amusée. Elle, une sale gueule ? Elle pince les lèvres et hoche la tête. Tu te venge parce que j'ai confirmé que t'es un bourrin ?

Elle n'a pas vraiment envie de retourner à sa chambre, ni même aux bains, même si c'est, pour elle, l'endroit le plus gééééénial au monde hors des marais. Si elle vient pour protester qu'elle n'a rien à craindre de se balader seule, elle reste surprise quelques secondes lorsqu'il la soulève et la pose sur le baril. Si elle est troublée par cette attitude, elle n'en laisse rien paraître, comme si c'était tout à fait normal. Elle répond tout d'abord à la question concernant Muelle.

- Elle me veille avec tellement d'intérêt que je n'ai pas osé la réveiller pour lui dire que j'allais me balader. En fait, je n'allais pas me balader, je te cherchais, dit-elle en examinant Halewyn qui lisse sa jupe, amusée. Muelle est encore troublée par ce qui c'est passé, mais je crois qu'elle va bien. Elle ira mieux bientôt. Tu devrais aller la voir, ça lui ferait plaisir.

Xoamen se demande bien s'il se souvient que Muelle était d'avis de le tuer. Elle sourit, les yeux levés vers lui, parce que même assise sur un baril, elle reste plus petite que lui. Mais elle ressent et voit son inquiétude, et pas seulement à cause d'elle, mais aussi à son propre sujet. Elle comprend. Il ne veut pas décevoir et en plus, comme il vient de dire, pour lui, la magie est mal. Il se protège, mais il semble vouloir protéger tout le monde. Ça explique pourquoi il a quitté la forteresse pour tenter de les retrouver. Et ça explique pourquoi elle s'est proposée aux ombres.

- Halewyn, chuchote-t-elle, sérieuse, je sais tout ça. Ne crois-tu pas que j'ai déjà été prévenue ? Avant de partir, mes aïeules m'ont fait leur recommandation. Je sais me défendre et me protéger. Ici, ce n'est pas différent d'ailleurs, je suis et je serai toujours une menace. Sentant venir une réplique, elle pose un index impérieux sur les lèvres d'Halewyn. C'était l'idée de ton père de faire de Muelle et de moi ses pupilles. C'est lui qui a dit que nous devions apprendre l'une de l'autre. Nous sommes toutes les deux exceptionnelles, affirme-t-elle sans la moindre modestie. S'il ne se doutait pas que ce nous avons à apprendre l'une de l'autre est magique ou s'il espérait que nous renoncions à la magie, il a commis une erreur. Que ce soit les Daee ou la Chimère, si au bout des cinq ans nous ne quittons pas la Montagne Noire vivantes et bien portantes, les répercussions seront terrible. Et Yslaire le sait. Il a prit une lourde responsabilité. Elle laisse glisser son index jusqu'au menton d'Halewyn et le tapote deux fois, avant de sourire. Je ne renoncerai jamais à la magie. Elle fait partie de moi. Elle circule en moi comme le sang dans les veines. Et Yslaire devra s'y faire, déclare-t-elle, résolue.

Xoramen secoue la tête. Elle n'est pas d'accord.

- Ce n'est pas de solitude dont elle a besoin. C'est de présence. Mais bon, tu n'es pas obligé si tu ne veux pas, commente-t-elle sur un ton qui laisse clairement sous-entendre qu'elle n'est pas d'accord.

Mais elle est bien d'accord en ce qui concerne Yslaire. Oui, elle suppose qu'il sait ce qu'il fait. Mais Xoramen estime que la magie en soi n'est pas mauvaise. Ce sont ceux qui la pratique qui sont mauvais... ou pas.

Oui, elle croit aussi que Yslaire en sait plus qu'il ne le laisse entendre. Jusqu'à quel point, elle ne sait pas. Mais elle finira bien par le savoir.

- Je crois aussi, dit-elle, bien qu'elle sache que Jali voit encore plus loin.

C'est d'ailleurs ce qui faisait leur mauvaise réputation. Ce que Jali faisait de ce qu'elle voyait venir de très loin.

Le regard que Doreah pose sur elle lui fait plaisir. Elle ne note pas, mais sa posture change, devenant plus mouvante, moins droite. Pourtant, son sourire un peu figé des dernières minutes se change en un air de pure compassion. Du moins c'est ce qui semble.

- Halewyn est un héro, dit-elle, sincère, il est venu nous chercher, et il a souffert, comme Muelle et moi. Elle lève le menton et dévisage Doreah. Ton esprit étroit ne sera jamais en mesure d'entrevoir ce qu'il a vécu. De toute manière, tu n'en aurais pas la force. Tu serais morte. Lui, il a survécut. Muelle et elle aussi. Je suis une sorcière, je suis en mesure de lui expliquer et de comprendre ce qu'il a vécu. C'est quelque chose que vous ne pourrez jamais partager, lui assène-t-elle, en la fixant droit dans les yeux.

Elle sourit presque.

Cette fois, Xoramen sourit. Un sourire aussi inquiétant que ravissant. Le sourire d'une envoûteuse dans toute sa puissance, même si elle est pâle et que le trait de khôl sous ses yeux est moins appuyé que d'habitude.

- Je suis une sorcière, mais je suis aussi une princesse d'Erweller et je suis la pupille du Seigneur de la Montagne Noire. Tout le monde n'appréciera pas, mais ils devront tolérer ma présence ici et près d'Halewyn et chacun des fils Redinem, dit-elle en se laissant glisser en bas du baril, mais s'y retenant tout de même. Et ce sera pareil pour Muelle, annonce-t-elle, assurée.

Et elle lui tourne le dos et marche vers la sortie, d'un pas tranquille.

- Puisque ça t'es pénible, tu n'es pas obligée d'obéir à Halewyn, j'arriverai à retrouver ma chambre toute seule et je m'y rendrai sans problèmes.

Jusqu'à quel point Doreah est-elle prête à ne pas obéir à Halewyn ?

-Tu n'as qu'à dire que je t'ai obligé à me laisser partir, il te croira, parce que c'est vrai, tu ne peux quand même pas contredire une princesse, affirme-t-elle.  

Qu'elle la surprenne de toute manière a toucher a ses cheveux. Mais son compromis lui plait. Ça pourrait être plaisant.

- Non, je n'ai pas faim. Mais si tu crois que ma présence pourrait lui plaire, je veux bien aller aux feux. C'est loin ?

Oh elle sait où se trouvent la plupart des feux, mais elle ne savait pas qu'on pouvait s'y rejoindre.

- Qui sera la ?