Champ d'exercice sous la falaise

Xoramen avait traînée au lit tant qu'elle le pouvait. Ce n'était pas dans ses habitudes et elle s'était décidée à se lever lorsque Morgane avait tambouriné inlassablement à sa porte. Elle lui avait ouvert, furieuse, les cheveux en bataille et vêtue de sa chemise de lin et d'un seul jupon. Elle lui avait refermé la porte au nez en clamant qu'elle allait s'habiller et descendre et lorsqu'elle était sortie, quelques minutes plus tard, il était encore là, à attendre, sans doute pour s'assurer qu'elle allait vraiment descendre.

Contrairement à ce qu'elle avait cru, ses aînées n'avaient pas quitté la place en pleine nuit. Elles avaient attendu au matin, sans doute pour pouvoir pister les Daee ensuite leur jeter un sorts. Elle doutait de la réussite de cette hypothèse. Aucune effusion chez les chimériennes. Zo se contenta d'un hochement de tête qui se voulait peut-être un bonne chance, ou un au revoir, tandis que Jali vint glisser quelques mots à son l'oreille, avant de retirer une chaînette de son cou et de la passer autour de celui de sa petite fille. Xoramen eut un rictus qui semblait vouloir être un sourire, mais dont personne n'arriva à déterminer le sens.

Une fois tout ce beau monde parti, Morgane annonce l'heure de l'entraînement. Si Xoramen était de mauvaise humeur la veille, elle l'est tout autant ce matin. Elle suit sans aucun enthousiasme et s'assoit gracieusement sur le sable dès qu'elle en a la possibilité. Elle trace des arabesques du bout des doigts. Morgane pose les questions et Muelle répond spontanément. Le regard de Xoramen à la question est éloquent. On ne la prendra pas à grimper sur un kelpie, pas question. Non, elle n'en jamais monté.

- J'apprécie les kelpie uniquement lorsqu'ils ont longtemps été mijotés, répond-elle en faisant un petit monticule de sable sur sa jupe.

Sa réponse a le mérite de ne pas trop porter à confusion sur ce qu'elle pense à l'idée de monter un kelpie. La question suivant est tout aussi bête, selon Xoramen. Enfin, elle doit être tout à fait adéquate lorsque des nouveaux gus arrivent ici, mais en ce qui la concerne, il n'y a qu'une seule réponse possible. Elle laisse Muelle répondre et sans doute que Jali aurait adoré cette réponse. En ce qui concerne Xoramen, elle se dit que Muelle a tout intérêt à suivre l'enseignement des Redinem. Elle pourrait même lui apprendre elle-même quelques trucs, plus tard. Robin s'adresse directement à elle. Elle lui décoche un regard à faire flétrir un champs de marguerite

- C'est ça, j'attends que les gens aient le culot de m'attaquer et je les changes en limace avant même qu'ils aient réussit à me toucher, dit-elle sur un ton qui laisse supposer que toute réplique sera considérée comme une attaque. Morgane reprend sa question d'une autre manière, mais Xoramen n'est pas très encline à participer avec enthousiasme. Robin vient de le dire, je suis douée en défense, répète-t-elle en laissant le sable couler entre ses doigts.

Deux des frères se proposent volontairement pour faire l'expérience du têtard ou de la limace. Halewyn par pure provocation, estime-t-elle, il ne la croit pas capable de le faire ou du moins, il est sceptique. Robin lui, c'est uniquement par intérêt, lui, il la croit. Elle le voit dans l'avidité de leur regard. Elle n'esquisse aucun sourire pourtant. Elle se contente de les dévisager, posant son regard d'hématite alternativement sur l'un et l'autre.

- Vous n'êtes ni l'un, ni l'autre assez dangereux pour que j'use de ma magie pour ce genre de broutille, dit-elle avec une certaine hauteur.

Elle pose les yeux une dernière fois sur chacun d'eux puis se remet à jouer dans le sable, comme si tout ça ne la concernait pas.

Xoramen ne regarde même pas ce qui se passe, assise au sol, elle continue de faire de petits monticules de sables sur sa jupe. Elle n'a pas vraiment besoin de regarder ouvertement ce qui se passe autour, elle n'a qu'à observer du coin de l'oeil. Elle ne quitte ses monticules de sable que lorsque Halewyn vient se profiler au-dessus d'elle. Elle lève les yeux vers lui, parce que bon, il est debout, très grand et elle est assise sur le sol.

- Oui ? demande-t-elle lorsqu'il prononce son nom. Puis elle écoute ce qu'il a à lui dire, elle hausse un sourcil interrogateur. Mais qui t'as demandé de te centrer sur ma royale petite personne ?

Personne.

Elle cligne des yeux suite à la gifle, mais elle reste de marbre. Non elle ne va pas se défendre. Se protéger, ok, mais pas se défendre. Habituellement, ceux qui attaquent les chimériennes ne survivent pas ou alors il sont trop amocher et reste des perdants le reste de leur vie. Elle ne va pas se défendre conte Halewyn. C'est son frère, non ? Et puis elle sait bien que c'est uniquement pour la provoquer, pour la faire sortir de ses gonds. Elle ferme les yeux lorsqu'il lui envoie du sable, mais aucun grain ne touche à ses yeux et lorsqu'il passe derrière elle, elle a les yeux grands ouverts, mais elle ne sourit pas, elle serre la mâchoire. Elle quitte sa position assise, mais ne se relève pas, elle s'agenouille dans le sable, ses jupes et jupons autour d'elle. Oui, Xoramen sait se défendre, mais ça ne sert à rien de se défendre si on est pas en danger. La technique de Xoramen a toujours été de laisser approcher, puis de mettre KO. Xoramen n'agit jamais bien longtemps.

Le coup suivant porté par Halewyn, elle ne bouge presque pas, mais lorsqu'il lui donne un petit coup de pied dans les reins, elle se tord et lui donne une petite tape sur la botte, mais Halewyn sent le choc statique lui pincer la peau, même sous le cuir de la botte.

- Long et douloureux ? On verra ça, dit-elle avant que Morgane n'interrompe la joute.

Elle hésite, devrait-elle retirer le sort qu'elle vient de lui coller ? Elle sourit, sans quitter le sol. Nan, ce sera amusant de voir Halewyn ressentir ses propres coups aux même endroits où il les porte, avec la même force qu'il les porte. Peut-être qu'il viendra lui demander de le libérer ? Xoramen ricane, sournoise.

Xoramen plisse les yeux. Mais où veut-il en venir ce petit con ? Elle le laisse monologuer avec Morgane et comprend le sens de ses paroles. Personne ne peut faire faire à xoramen ce qu'elle ne veut pas faire. La magie n'est pas pour l'entraînement, elle n'a pas à se défendre contre des assauts imaginaires. Docile, elle se relève sans le moindre effort, lorsqu,il tire sur ses colliers et bizarrement, il ressent la morsure des différents matières des colliers qui lui serrent la nuque.

- Et pourquoi crois-tu que j'aurais envie de me défouler ? Et je ne vais pas me défouler sur toi, dit-elle en enroulant ses doigts autour de ses colliers. Tu sais, quand j'ai à nous défendre, je le fais contre de vraies agressions, quand nos attaquants veulent nous tuer. Je suis une sorcière, Halewyn, je ne vais pas me défouler sur toi, ni sur aucun d'entre vous. Mais ça ne m'empêchera pas de vous foutre la raclée de votre vie si vous vouliez vraiment me faire du mal. Je suis une sorcière, tu n'aurais pas la force de résister si je décidais de me défouler sur toi, dit-elle en tirant sur ses colliers, menaçantes.

Non, ce n'est pas ce qu'ils demandaient. Mais Xoramen ne va pas se priver d'éviter un entraînement.

-  Ça veut dire que je suis dispensée d'entraînement ? Yay !

Sans faire ni une ni deux, elle fait demi tour, dans un cliquetis de colliers et le froufroutement des jupons et va tout bonnement s'appuyer contre la paroi de la falaise, à l'ombre, de toute évidence ravie de cette dispense.

- Je n'avais pas l'intention de partir, grogne-t-elle, tout en observant Halewyn du coin de l'oeil. Elle a bien hâte qu'il commence à taper sur les autres, elle n'a toujours pas levé le sortilèges.

Elle les laisse se remettre en action et elle joue avec ses colliers, mais elle ne manque pas grand chose de la scène, surtout pas entre Fabre et Halewyn, mais elle s'intéresse aussi aussi au duo Robin et Muelle. Elle envie la retenue de Robin. Elle n'a jamais usée de retenue. Elle n'en a jamais eu l'occasion.

Morgane n'ayant pas de partenaires d'entraînement et de toute évidence, n'ayant pas lâché le morceau, vient s'asseoir près d'elle, comme à l'infirmerie. Elle reste stoïque, n'exprime même pas qu'elle s'est rendu compte de son approche. Elle ne tourne la tête uniquement lorsqu'il dit qu'il sait qu'elle ne demandera pas d'être dispensée. Elle tourne vers lui un regard brillant et un sourire conspirateur. Non, elle n'a jamais eu l'intention de vraiment vouloir être dispensée.

- C'est de Muelle que je dois apprendre, dit-elle, à voix basse, parce qu'elle sait que Halewyn la regarde et tend l'oreille, tu as déjà oublié ?

Elle reporte son attention sur Robin, que Halewyn vient de faire méchamment tomber. Il a beau faire la morale, Xoramen sait qu'il a ressentit le choc de son bâton dans ses propres jambes, même s'il n'a pas perdu l'équilibre, tout comme il a sentit le choc du sable sur exactement les mêmes parties du corps que Robin. Oh oui, elle a gagner et elle n'en a pas encore terminée.

- J'en apprends déjà beaucoup pour le moment. J'apprends à déconcentrer Halewyn, dit-elle, en souriant. Ensuite j'apprendrai à tous vous tourner en bourrique, annonce-t-elle avec la plus mauvaise foi qu'il lui est possible d'afficher.

Le regard posé sur Halewyn, elle a pourtant conscience des mouvements et de l'intonation de la voix de Morgane. Mais elle évite de le regarder, pour bien montrer que tout ça ne l'intéresse pas. Enfin, si, mais pas parce qu'il le lui dit. Elle feint un parfait détachement à la situation, même lorsqu'il lui demande si elle va vraiment obéir aux ordres et pourquoi se contenter de Muelle. Morgane, avec cette question arrive presque à lui faire tourner les yeux vers lui. Mais elle n'a pas besoin, puisqu'il se place dans son champs de vision en décrétant qu'il se porte volontaire. Ses sourcils trahissent aussitôt sa surprise et son interrogation qu'elle ne manque pas de préciser.

- Volontaire pourquoi ?

Mais il n'a pas le temps de préciser sa pensée qu'il reprend Halewyn sur ses manières et il s'élance dans l'affrontement fraternel. Elle observe tout ça de son poste d'observation. Ils semblent s'amuser, même s'ils se font probablement mal, ou du moins quand ils se feront mal. Les entraînement avec Zorehira étaient douloureux et elle n'était jamais certaine de rester sous la même forme, ni même dans le même lieux.

Mais elle les observe attentivement et si elle ne dira surement pas à Morgane qu'il a raison, qu'elle n'apprendra pas que de Muelle, elle apprend déjà d'eux. À les regarder, elle en apprend un peu plus sur qui ils sont. Et ça devient divertissant, les coups commencent à faire leur effets et elle voit bientôt Fabre se plier sous un coup porté par Halewyn. Ah, maintenant elle va bien s'amuser.

Douloureuse et désorienté, elle sait tout de même ou elle va. Elle atteint l'arène et se prend les pieds dans la couche de sable dès qu'elle y met les pieds. Elle essaie de se relever et trébuche au bout de trois pas. Elle décide que le meilleur moyen d'atteindre le centre est de s'y traîner. Dès qu'elle l'atteint, elle s'y agenouille et se replie sur elle-même, se balançant d'en avant en arrière avant de s’agripper les cheveux à pleine main et d'émettre un gémissement douloureux. Le souffle court, elle tente de résister, mais elle abandonne la partie. Trop tout d'un coup. Elle doit disperser tout ce pouvoir, pour le moment. Lâchant ses cheveux, elle frappe le sable de l'arène des poings et une vague de sable se forme, avec Xoramen en épicentre. Le sable se soulève et reste en suspend, à une dizaine de centimètres du sol, reste en suspend quelques secondes, puis se met à onduler et à tourner autour d'elle. Son visage douloureux se détend. Les yeux clos, elle semble soulagée. Lentement, elle se remet à respirer normalement.

Bien sûr qu'elle l'entends. Dès qu'il s'est mis à bouger, elle a su qu'il était là. Il s'est avancé, dans le sable, comme on avance dans une mare peu profonde. Du sable aux chevilles.

Depuis qu'il avait quitté la chambre de Muelle et Xoramen, Halewyn n'avait pas revu Xoramen, elle s'était soigneusement terrée dans sa chambre, jusqu'à ce matin, très tôt. Mais elle était de toute évidence sortie et en plus, il semble qu'elle soit allée nettement plus loin qu'il ne peut l'imaginer. Ses vêtements n'étaient pas ceux qu'elle portait habituellement. Il y avait beaucoup trop de tissus et malgré que ce soit sa jupe habituelle, il n'y avait pas un million de jupons en dessous. Un trait violacé s'étalait sous son oeil et sa joue avait perceptiblement enflé. Ses cheveux étaient en batailles, de la terre et des brindilles diverses y étaient emmêlés et ils étaient loin d'avoir la fluidité et le brillant habituel. Xoramen avait de toute évidence été malmenée.

- Bien sûr que je t'entends, murmure-t-elle, sans ouvrir les yeux. Laisse-moi tranquille.